Règles du Philalèthe pour se conduire dans l'œuvre hermétique
Extrait de 'An
exposition upon Sir George Ripley's Epistle to King Edward IV', inclus dans
Ripley Reviv'd: or, an exposition upon Sir George Ripley's hermetico-poetical
works, London 1678.
Règles du Philalèthe pour se conduire dans l'œuvre hermétique
Première Règle
Qui que ce soit qui vous dise, ou veuille
vous suggerer; quoique vous puissiez lire dans les livres des Sophistes, ne vous
ecartez jamais de ce principe; que comme le but où vous tendez est l'or, aussi
l'or doit être le sujet seul sur lequel vous devez travailler.
Seconde Règle
Prenez garde qu'on ne vous trompe, en vous
disant, que notre or n'est pas l'or vulgaire, mais l'or Physique; l'or vulgaire
est mort à la verité; mais de manniere que nous le préparons il se revivifie de
même qu'un grain de sémence, qui est mort dans le grenier, se revivifie dans la
terre. Ainsi après six semaines l'or, qui étoit mort, devient dans notre œuf
vif, vivant et spermatique, dès qu'il est mis dans la terre, qui lui est propre,
c'est-à-dire dans notre composé. Il peut donc être appellé notre or, parce qu'il
est joint avec un agent, qui certainement lui rendra la vie; comme par une
denomination contraire, un homme condamné à mort est applellé un homme mort,
parce qu'il est destiné à mourir bien-tôt, quoiqu'il soit encore en
vie.
Troisième Règle
Outre l'or, qui est le corps, et qui tient
lieu de mâle dans notre œuvre, vous aurez encore besoin d'un autre sperme, qui
est l'esprit, l'ame ou la femelle; et c'est le Mercure Fluide semblable dans sa
forme à l'argent vif commun; mais qui est pourtant et plus net et plus pur.
Plusieurs au lieu de Mercure se servent de toutes sortes d'eaux et de liqueurs,
qu'ils applellent Mercure Philosophale: ne vous laissez pas surprendre par leurs
paroles, on ne sçauroit recueillir que ce que l'on a semé; si vous semez donce
votre corps, qui est l'or en une terre ou en un Mercure, qui ne soit pas
métallique, et qui ne soit pas Homogene aux métaux, au lieu d'un Elixir
métallique, vous ne recueillerez qu'une chaux inutile et sans vertu.
Quatrième Règle
Notre Mercure n'est qu'une même chose en
substance avec l'argent vif commun; mais il est different dans sa forme; car il
a une forme celeste et ignée et il est d'une vertu excellent: telle est la
nature et la qualité, qu'il reçoit par notre Art et notre
préparation.
Cinquième Règle
Tout le secret de notre préparation consiste
à prendre un mineral, qui est proche du genre de l'or et du Mercure. Il faut
l'impregner avec l'or volatile qui se trouve dans les reins de Mars, et c'est
avec quoi il faut purifier le Mercure au moins jusques à sept fois; ce qui etant
fait, ce Mercure est préparé pour le bain du Roy.
Sixième Règle
Sachez encore que depuis sept fois jusques à
dix, le Mercure se purifie de plus en plus et devient plus actif, étant à chaque
préparation acué par notre vrai souffre; et s'il excede ce nombre de
préparations ou de sublimations, il devient trop igné; de manier qu'au lieu de
dissoudre le corps, il se coagule lui-même.
Septième Règle
Ce Mercure ainsi acué ou animé doit encore
être distillé en une retorte de verre deux ou trois fois; d'autant plus qu'il
peut lui être resté quelques Atômes du corps, au temps de la préparation, et
ensuite il le faut laver avec du vinaigre et du sel Ammoniac, alors il est
préparé pour notre œuvre.
Huitième Règle
Choisissez pour cette œuvre un or pur et net,
sans aucun mêlange: et s'il n'est pas tel, lorsque vous l'achetez, purifiez-le
vous-même par les moyens convenables. Alors vous le mettrez en poudre subtile,
soit en le limant, soit en le réduisant, ou faisant reduire en feuilles, soit en
le calcinant avec des Corrosifs, soit enfin par quelqu'autre voie que ce soit,
pourvu qu'il soit très subtil, n'importe.
Neuvième Règle
Venons maintenant au mêlange: et pour cela
prenez du corps susdit, ainsi choisi et préparé une once, et deux ou trois onces
au plus du Mercure animé, comme il a été dit ci-devant: mêlez-les dans un
mortier de marbre, qui aura été auparavant chauffé aussi chaud que l'eau
bouillante le pourra faire; broyez et triturez-les ensemble jusqu'à ce qu'ils
soient incorporez; puis y mettez du vinaigre et du sel jusqu'à qu'il soit très
pur, et en dernier lieu vous le dulcifirerez avec de l'eau chaude, et le
secherez exactement.
Dixième Règle
Sachez maintenant que dans tout ce que nous
marquons, nous parlons avec candeur; notre voye n'est aussi que ce que nous
enseignons, et nous protestons toujours que ni nous, ni aucun ancien Philosophe,
n'a point connu d'autre moyen; étant impossible que notre secret puisse être
produit par aucun autre disposition que par celles-ci.
Notre Sophisme est
seulement dans les deux sortes de feux employez à notre ouvrage.
Le feu
secret interne est l'instrument de Dieu, et ses qualitez sont imperceptibles aux
hommes: nous parlerons souvent de ce feu, quoiqu'il semble que nous entendions
la chaleur externe; c'est de là que naissent plusieurs erreurs entre les
imprudens. C'est ce feu, qui est notre feu gradué, car pour la chaleur externe
elle est presque linéaire, c'est-à-dire égale et uniforme dans tout l'ouvrage;
si ce n'est que dans le blanc; elle est une sans aucune altération, hormis dans
les sept premiers jours, où nous tenons cette chaleur un peu faible pour plus de
sureté; mais le Philosophe expérimenté n'a pas besoin de cet avis.
Pour la
conduite du feu interne , elle est insensiblement graduée d'heure en heure, et
comme il est journellement réveillé par la suite de la cuisson, les couleurs en
sont altérées, et le composé meuri. Je vous ai dénoué un nœud extrèmement
embarrassé; prenez garde d'y être pris de nouveau.
Onzième Règle
Vous devez être pourvu d'un vaisseau ou matras
de verre, avec lequel vous puissiez achever votre ouvrage, et sans lequel il
vous seroit impossible de rien faire: il le faut de figure ovale ou sphérique,
de grosseur convenable à votre composé; en sorte qu'il puisse contenir environ
douze fois autant de matière dans sa capacité que vous y en mettrez. Il faut que
le verre soit épais, fort et transparent, sans aucun défaut; son col doit être
d'une paume, ou tout au plu d'un pied de long; vous mettrez votre matiere dans
cet œuf, scellant le col avec beaucoup de soin; de sort qu'il n'y ait ni défaut,
ni crevasse, ni trous; car le moindre esvent feroit évaporer l'esprit le plus
subtile et perdroit l'ouvrage: Vous pourrez être certain de l'exacte sigillation
de votre vaisseau en cette maniere. Lorsqu'il sera froid mettez le bout du col
dans votre bouche à l'endoit où il est scellé, succez fortement, et si il y a la
moindre ouverture vous attirerez dans votre bouche l'air qui est dans le matras,
et lorsque vous retirerez de votre bouche le col du vaisseau, l'air aussi-tôt
rentrera dans la matras avec une sorte de sifflement, de maniere que votre
oreille en pourra entendre le bruit; cette expérience est
immanquable.
Douzième Règle
Vous devez aussi avoir pour fourneau ce que
les Sages appellent Athanor, dans lequel vous puissiez accomplir tout votre
ouvrage. Dans le premier travail celui dont vous avez besoin doit être disposé
de telle maniere qu'il puisse donner une chaleur d'un rouge obscur, ou moindre à
votre volonté, et qu'en son plus haut degré de chaleur il s'y puisse maintenir
égal au moins douze heures: si vous en avez un tel.
Observez premierement que
la capcité de votre nid ne soit plus ample que pour contenir votre bassin, avec
environ un pouce de vuide tout-à-l'entour, afin que le feu, qui vient du
soupirail de la tour, puisse circuler autour du vaisseau.
Rn seconde lieu,
votre bassin doit contenir seulement un vaisseau ou matras, avec environ un
pouce d'épaisseur de cendres entre le bassin, le fonds, et les côtez du
vaisseau; vous souvenant de ce qui dit le Philosophe:
Un seul vaisseau, une
seule matiere, et un seul fourneau.
Ce bassin doit être situé de maniere
qu'il soit précisément sur l'ouverture du soupirail d'ou vient le feu; et ce
soupirail doit avoir une seule ouverture d'environ trois pouces de diametre, qui
biaisant et montant conduira une langue de feu, qui frappera toujours au haut du
vaisseau, et environnera le fonds, le maintiendra continuellement dans une
chaleur également brillante.
En troisième lieu, si votre bassin est plus
grand qu'il ne faut, comme la cavité de votre fourneau doit être trois ou quatre
fois plus grande que son diametre alors le vaisseau ne pourra jamais être
échauffé exactement ni continuellement comme il faut.
En quatrième lieu, si
votre tour n'est de six pouces ou environ à l'endroit du feu, vous n'êtes pas
dans la proportion, et vous ne viendrais jamais au point juste de chaleur; car
si vous excedez cette measure, et que vous fassiez trop flamber votre feu, il
sera trop foible.
En dernier lieu, le devant de votre fourneu doit se fermer
exactement par un trou, qui ne doit être que de la grandeur nécessaire pou
introduire le charbon, comme environ un pouce de diametre, afin qu'il puisse
plus fortement en bas recuperer la chaleur.
Treizième Règle
Les choses étant ainsi disposées, mettez le
vaisseau, où est votre matiere dans ce fourneau et lui donnez la chaleur que la
nature demande, commençant où la nature a quitté.
Sçachez maintenant que la
nature a laissez vos matieres dans le régne minéral; c'est pourquoi encore que
nous tirions nos comparaisons des végétaux et des animaux, il faut pourtant que
vous conceviez un rapport convenable au régne, où est placée la matiere, que
vous voulez traiter. Si par exemple je fais comparaison entre la génération d'un
homme et la végétation d'une plante; vous ne devez pas croire que ma pensée soit
telle, que la chaleur, qui est propre pour l'un le soit aussi pour l'autre, car
nous sçavons que dans la terre où les végétaux croissent, il y a de la chaleur
que les plantes sentent, et mmème dès le commencement du Printems. Cependant un
œuf ne pourroit pas éclore à cette chaleur, et l'homme ne pourroit en
appercevoir aucun sentiment; au contraire elle lui sembleroit un engourdissement
froid. Mais puisque vous sçavez que votre ouvrage est entièrement dans le régne
minéral, vous devez connoître la chaleur qui est propre pour les minéraux, et
celle qui doit être appellée petite ou violente.
Consdérez maintenant que la
nature vous a laissé non-seulement dans le régne mineral, mais encore que vous
devez travailler sur l'or et le mercure, qui tous deux sont
incombustibles.
Que le Mercure est tendre et qu'il peut rompre les vaisseau,
qui le contiennent, si le feu est trop fort: qu'il est incombustible et qu'aucun
feu ne lui peut nuire; mais cependant qu'il faut le retenir avec le sperme
masculin en une même vaisseau de verre, ce qui ne pourra se faire, si le feu est
trop violent; et par conséquent on ne pourroit pas accomplir l'œuvre.
Ainsi
le degré de chaleur, qui pourra tenir du plomb ou de l'étain en fusion, et même
encore plus forte, c'est-à-dire telle que les vaisseaux, la pourront souffrir
sans rompre, doit être estimée une chaleur tempérée. Par là vous commencerez
votre degré de chaleur propre pour le régne, où la nature vous a
laissé.
Quatorzième Règle
Sçachez que tout le progrez de cet
ouvrage, qui est une cohobation de la lune sur le sol, est de monter en nuées et
retomber en pluye; c'est pourquoi je vous marque de sublimer en vapeurs
continuelles, afin que la pierre prenne air et puisse vivre.
Quinzième Règle
Ce n'est pas encore assez;mais pour obtenir
notre teinture permenante, il faut que l'eau de notre lac bouille avec les
cendres de l'arbre d'Hermès; je vous exhorte de faire bouillir nuit et jour sans
cesse, afin que dans les ouvrages de notre mer tempêtueuse, la nature céleste
puisse monter et la terrestre descendre. Car je vous assure que si nous ne
faisons bouillir nous ne povons jamais nommer notre ouvrage une cuisson, mais
une digestion, d'autant que quand les esprits circulent seulement en silence, et
que le composé, qui est en bas, ne se meut point par ébullition, cela se nomme
proprement digestion.
Seizième Règle
Ne vous hâtez point dans l'espérance d'avoir
la moisson ou la fin de l'œuvre aussitôt après son commencement; car si vous
veillez avec patience l'espace de 50 jours au plus, vous verrez le bec du
corbeau.
Plusieurs, dit le Philosophe, s'imaginent que notre solution est une
chose fort aisée; mais il n'y a que ceux qui l'ont essayée & qui en ontfait
l'expérience, qui puissent dire combien elle est difficile.
Ne voyez-vous pas
que si vous semez un grain de bled, trois jours après vous le verrez simplement
enflé; que si vous le faites secher il deviendra comme auparavant. Cependant on
ne peut pas dire qu'on ne l'ait pas mis en une matrice convenable; car la terre
est son vrai & propre lieu; mais il a seulement manqué de tems nécessaire
pour la végétation.
Considerez que les semences les plus dures ont besoin
d'être plus long-tems dans la terre, comme les noix & noyaux de prunes,
chaque chose ayant sa saison; & c'est une marque certain d'une opération
naturelle, lorsque sans préciptation elle demeure le tems nécessaire pour son
action.
Pensez-vous donc que l'or, qui est le corps du monde le plus solide,
puisse changer de forme en si peu de tems. Il faut que nous demeurions dans
l'attente jusqu'à vers la quarantième jour que le commencement de la noirceur se
fait voir. Quand vous verrez cela concluez alors que votre corps est détruit;
c'est-à-dire qu'il est réduit en une ame vivante, & votre esprtit est mort;
c'est-à-dire, qu'il est coagulé avec le corps. Mais jusqu'à cette noirceur l'or
& le mercure conservent chacun leur forme & leur nature.
Dix-Septième Règle
Prenez garde que votre feu ne s'éteigne, pas même pour un moment;
car si une fois la matiere devient froid, la perte de l'ouvrage s'ensuivra
immanquablement.
Vous pouvez recueillir de tout ce que nous avons dit, que
tout notre ouvrage n'est autre chose que faire bouillir notre composé au premier
degré d'une liquefiante chaleur, qui se trouve dans le régne métallique, ou la
vapeur interne circule autour de la matiere, & dans cette fumée l'une &
l'autre mourront & ressuciteront.
Dix-Huitième Règle
Continuez alors votre feu jusqu'à ce que
les couleurs paroissent, & vous verrez enfin la blancheur. Sçachez que
lorsque la blancheur paroîtra (ce qui arrivera vers la fin du cinquième mois)
l'accomplissement de la Pierre blanche s'approche. Réjouissez-vous donc, car le
Roy a vaincu la mort, et paroît en Orient avec beaucoup de gloire.
Dix-Neuvième Règle
Continuez encore votre feu, jusqu'à ce
que les couleurs paroissent de nouveau, et vous verrez enfin le beau vermillon
et le pavot champètre. Glorifiez donc Dieu et soyez reconnoissant.
Vingtième Règle
Enfin il faut que fassiez bouillir (ou
plutôt cuire cette Pierre) derechef dans la même eau, avec la même proportion et
selon le même régime. Votre feu doit être seulement un peu plus foible, et par
ce moyen vous l'augmenterez en quantite et en vertu suivant votre désir.
Que
Dieu, le Pere des Lumieres, vous fasse voir cette régéneration de Lumiere, et
vous fasse un jour participant de la vie éternelle. Ainsi
soit-il.
Emprunté au site de Adam Mc Lean : Alchemy
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